Hello mes afroféminines, ou pas

J’espère que vos proches et vous allez bien par ces temps moroses. Avant de vous parler de notre prochain diamant noir, je vous rappelle de penser à vous protégez-vous même ainsi que les autres. Rappelez-vous: « Ne sortir qu’en cas d’absolue nécessité ». Maintenant que c’est dit, je vous invite à vous poser sur un siège confortable, à faire de la place dans votre esprit pour faire la connaissance de notre invitée Stécie Kifumbi-Zuka, Global and Africa Sales Manager chez Viva Technology. Vous découvrirez une jeune femme qui a su capitaliser sur ces différentes expériences scolaires et professionnelles pour trouver sa voie. J’ai fait la connaissance de Stécie l’année dernière, à un moment ou je me demandais où étaient passées les femmes en général et les femmes noires en particulier dans les technologies. Autant vous dire qu’à l’issue de cette interview, je sais qu’elles sont bel et bien là, peu nombreuses mais compétentes et motivées. J’ai hâte de lire vos retours. Comme d’habitude, Lisez, commentez, likez si l’article vous a plu et n’oubliez pas de partager!

Sandgidemad. Pourrais-tu te présenter ?

Bonjour, 
Stécie Kifumbi-Zuka, presque 32 ans, je suis originaire de la République Démocratique du Congo, et j’ai grandi dans le Nord de la France. Je suis issue d’une fratrie de 4 frères et sœurs. J’exerce aujourd’hui le métier de Global and Africa Sales Manager chez Viva Technology. 

 » Toutes les étapes de ma vie ont eu un impact sur mes choix, tout simplement parce que j’ai appris à me connaître … « 

Sandgidemad. Tu as un Bac S et si je ne me trompe pas, tu as fait une prépa en biologie, une école d’ingénieur en agroalimentaire puis de l’événementiel et tu travailles dans les technologies aujourd’hui. Ce n’est pas tout à fait linéaire comme parcours. Comment expliquer cela ?

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Je pars du principe que les études apprennent à apprendre. C’est un socle qui ne demande qu’à être complété par soi-même par la suite, car on se forme toute la vie : par l’expérience, par le fait de lire, de se renseigner par tous les moyens qui nous sont offerts, et par des formations complémentaires si nécessaire.
Toutes les étapes de ma vie ont eu un impact sur mes choix, tout simplement parce que j’ai appris à me connaître, ce qui m’a permis, après m’être cherchée longtemps, de trouver ma voie. Il m’a été très difficile de savoir vers quoi m’orienter au départ. Le Bac S, la prépa, l’école d’ingénieur, ont été plutôt des choix de raison, mais c’est pendant ce parcours que je me suis découverte une passion et un talent pour l’aspect commercial et l’organisation. L’événementiel a alors été un vrai choix de cœur, pour lequel j’ai dû abandonner ma première carrière pour reprendre les études et gagner en légitimité dans le domaine. Cela n’a pas été de tout repos, mais je ne regrette absolument pas de m’être lancée !

Sandgidemad. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur Viva Technology (ou VivaTech) et sur ton poste de Global and Africa Sales Manager ?

VivaTech est le plus grand événement tech européen, consacré à l’innovation et à la rencontre entre startups et grands groupes. Les entrepreneurs, corporates, investisseurs, académiques, médias, institutionnels, et même les étudiants s’y retrouvent pour créer de belles collaborations business, s’informer sur les dernières innovations, accéder à la transformation digitale.

Sandgidemad. A quoi ressemble ta journée type de travail et quelles sont les qualités nécessaires pour être un bon sales manager selon toi ?

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Il n’y a pas vraiment de journée type chez VivaTech !

Nous fonctionnons plutôt selon différentes périodes de l’année. Entre septembre et janvier environ, nous procédons aux reconductions de nos partenaires, et nous en embarquons de nouveaux, en leur proposant toute une gamme de services qui correspondront à leurs objectifs. Ensuite, jusqu’au jour J, nous les accompagnons, de façon personnalisée et dans les moindres détails, dans la mise en place de leur présence, et nous répondons à leurs moindres questions !

Selon moi cela demande une bonne force de persuasion, de bonnes qualités relationnelles, de la persévérance et une très bonne organisation. Il faut aussi savoir faire preuve de patience et déployer des trésors de pédagogie. Enfin, beaucoup de sang-froid, et un esprit positif sont des atouts non négligeables.

Sandgidemad. A l’occasion de l’évènement VivaTech 2019, tu as travaillé à faire venir des entrepreneurs congolais. Parle-nous de cette aventure. Comment t’est venue l’idée ? Les défis de cette aventure et comment tu les a relevés? Les retombées pour eux et pour toi, bref tout!

Dans notre évènement international, l’Afrique était malheureusement peu représentée lors des dernières éditions, c’est pourquoi VivaTech a mis en place tout un dispositif, AfricaTech, pour mettre en valeur les pépites africaines au même titre que celles des autres continents. Cependant généralement les mêmes pays étaient toujours pressentis : Nigeria, Maroc, Afrique du Sud… De par mes origines, il m’a semblé injuste et vraiment dommage que la RDC ne soit pas représentée, et ne puisse pas bénéficier de cette formidable opportunité. Grâce à de belles rencontres, notamment Kinshasa Digital, nous avons pu travailler ensemble à créer un bel élan, ce qui a mené à la présence pour la première fois du Congo à VivaTech.

Tout s’est fait très vite ! Il a fallu que je me rende à Kinshasa, où j’ai eu l’honneur de rencontrer le Conseiller spécial de la Présidence en charge du numérique, pour lui présenter VivaTech. De même j’ai eu l’occasion de parler pour la première fois sur scène pour défendre ce projet. Puis, une fois la validation acquise, il restait un mois pour la gestion logistique (visas, stand, protocole…) ! Ça a généré beaucoup de stress mais ce que je retiens, ce sont les résultats !

La délégation a marqué les esprits, les médias ont amplement couvert cette première participation, de vraies relations business ont été créées, et certaines des startups congolaises présentes font maintenant partie des plus belles réussites du pays en termes de notoriété, de nombres d’utilisateurs, et de capital investi.

De mon côté, cela a considérablement accru mon réseau, ma visibilité, et m’a ouvert la voie vers des choses plus inattendues les unes que les autres : j’ai depuis été interviewée plusieurs fois pour la presse, j’ai été invitée à intervenir dans plusieurs conférences, et surtout, j’ai rencontré le Président Tshisekedi lors de sa venue à Paris. À VivaTech c’est maintenant moi qui ai la charge de la zone AfricaTech en entier, et on attend 10 pays africains pour la prochaine édition contre 6 l’an dernier.

 » Avec les bonnes infrastructures et les formations adéquates, on fera émerger dans les pays africains encore plus de champions du numérique « 

Sandgidemad. Je crois savoir que tu t’es rendue à Douala récemment. Quel constat fais-tu de la place des technologies dans les pays africains que tu as visité ? Question subsidiaire, qu’est-ce que des évènements comme VivaTech peuvent apporter aux entrepreneurs de ces pays et quel (s) avantage (s) ce type d’ évènement gagne à avoir, dans leur panel d’exposants, des pays africains ?

 

Mon déplacement a été riche en enseignements ! Je le savais déjà, mais le dynamisme et l’engouement autour de la tech et de l’entreprenariat sont omniprésents. Le potentiel est énorme. Avec les bonnes infrastructures et les formations adéquates, on fera émerger dans les pays africains encore plus de champions du numérique. VivaTech est clairement la vitrine rêvée pour un jeune entrepreneur. En plus d’améliorer leur visibilité, l’événement leur permet de s’inspirer de l’expérience des nombreux autres entrepreneurs présents. Bien sûr la plus grosse valeur ajoutée réside dans les contacts qualifiés qu’ils rencontreront sur place : futur partenaire, futur client, futur investisseur. 96% des startups présentes sur l’événement en sont très satisfaites !

De notre côté, un événement international de notre envergure et qui présente les meilleures pépites du monde entier, ne pouvait pas passer à côté de l’Afrique ! Les différentes façons d’innover, qui correspondent à des problématiques propres à ces territoires, sont autant de leçons de vie pour les startuppers d’autres horizons !

 Sandgidemad. Nombreux parmi les afro-descendants se lancent se lancent dans les secteurs cosmetique, de la mode et même alimentaire?

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Rebecca Enonchong, CEO AppsTech

Les secteurs des cosmétiques ou de l’alimentaire sont florissants, j’en viens moi-même ! Cependant on déplore un manque dans la technologie. Cela vient selon moi, tout d’abord d’un manque de représentations afro-descendantes. On connaît tous Mark Zuckerberg, mais qui connaît Rebecca Enonchong ? C’est ce type de profil inspirant qui peut susciter des vocations. De même, malheureusement, sans vouloir faire de généralités, dans le cas de la France, j’ai cette douloureuse impression que le système scolaire ne va pas pousser certains profils vers ce type de fonctions. De même, cela vient peut-être aussi de nous, qui n’osons pas franchir le pas de se lancer dans ce type de secteurs et nous confortons dans des domaines refuges. Il faut un changement des mentalités, un système éducatif qui montre toute l’étendue des possibilités à tous les profils de jeunes, plus de formations accessibles à tous. Ainsi nous aurons davantage de rôles modèles et je compte sur l’effet boule de neige pour faire le reste.

Sandgidemad. Dans l’Union Européenne, les femmes ne représentent qu’un employé sur cinq dans les secteurs scientifiques et technologie ? Est-ce que, d’après ton expérience, ces chiffres se vérifient sur le terrain ? Par exemple, sur votre évènement, il y a -t-il une bonne représentation des femmes ou, pour aller plus loin, des minorités?

Effectivement, et malheureusement, ces chiffres se vérifient sur le terrain. À VivaTech, nous défendons les valeurs de la tech pour tous, nous favorisons l’inclusion et la parité.

C’est pour cela que nous avons mis en place plusieurs initiatives pour mettre en avant les femmes dans la tech. Cela passe par nos cycles de conférences dans lesquels nous favorisons la parité (40% l’année dernière). En plus de ça, nous sommes en partenariat avec de nombreux réseaux de femmes, et nous organisons notamment le Female Founder Challenge, un concours destiné aux femmes entrepreneures exclusivement.

Fin de l’interview

Merci beaucoup Stécie Kifumbi-Zuka pour cette interview qui, je l’espère, aura su, lever des doutes, réveiller des vocations ou simplement provoquer des introspections. J’ai donc envie de vous demander quelle est votre zone refuge aujourd’hui ? Quel est ce domaine dans lequel vous vous cantonnez pour ne pas être challengé ? J’aimerais finir cet article en vous citant deux femmes de plus qui illuminent le paysage des tech:
Elisabeth Moreno, Directrice générale de HP Afrique depuis 2019 et Rébecca Enonchong, CEO de Apps Tech, lauréate de plusieurs prix et nommée par le magazine Forbes Africa parmi les femmes les plus influente du continent africain. Si vous en connaissez d’autres,  citez-les en commentaire…

Afrofémininement vôtre,

Sandgidemad