Amie (s)Afro féminines ou pas bonjour,

Aujourd’hui est un jour spécial pour moi parce que c’est l’anniversaire de celle qui m’a donné la vie, My African Queen: Ma mère!  Je lui dédie donc cette lettre, ainsi qu’à toutes les mères aimantes du monde. J’en profite pour remercier l’écrivaine et bloggeuse Danie mav qui a lancé cet été un projet collaboratif auquel j’ai participé et qui a engendré la lettre ci-dessous. Encore joyeux anniversaire maman!

A toi maman,

Voici venu le moment tant espéré !
« te ressembler » ? Oh que oui j’en ai rêvé !
« Sandgi, sois toi-même » Combien de fois me l’as-tu répété ?
A l’évidence, autant je ne saisissais pas la portée de cette phrase, autant tu n’avais pas idée de la résonance de celle-ci dans mon existence.

Être moi-même ? Sais-tu seulement combien c’est dur… Le regard des autres, non maman je ne peux pas. J’ai peur d’être différente, s’il-te-plaît, ne me demande pas ça. Je ne suis pas assez courageuse pour ça.
Aujourd’hui encore, prendre la décision de faire selon mes convictions me coûte. Oui, si tu savais comme c’est dur de grandir. Ben voyons, bien sûr que tu le sais.
Je nous vois encore , le soir, assises sur le bord de ton lit. Il fait nuit noire, te rappelles-tu ?

Les nuits de chez nous, si noires et épaisses. Si lourdes que nos corps préfèrent céder au sommeil plutôt que de leur résister. Tout en elles nous rappelle qu’il est temps de tourner la page du jour et se préparer à en écrire une autre. Qu’importe notre avis, les nuits là-bas ont quelque chose d’envoûtant… Bref, (tu vois, je me souviens de ces détails), je me souviens de ces moments pendant lesquels tu m’ordonnais d’avoir du caractère, d’avoir le courage de ne pas faire comme les autres.

Avec du recul, tout ça fait naître un rictus sur mon visage. Non, que dis-je, un sourire à peine visible.

Bon je l’avoue, je souris en ce moment et mon cœur… il s’emballe d’affection pour toi. Il ne bat pas à la chamade comme ça pourrait être le cas pour une femme amoureuse, non. Je le sens juste un peu plus que d’habitude. Je l’imagine souriant, dansant de joie parce que bien nourri. Nourri d’amour, de bienveillance, de prudence, de force et même parfois d’autorité.

Quand je regarde ma Théodora aujourd’hui, je me vois quelques années en arrière. Mais au delà de ça, je pose sur elle le même regard que tu avais sur moi dans mon enfance. Du moins je le crois. Je me surprends à lui répéter les même choses. C’est fou comme je peux voir sa fragilité maman. Est-ce que tu décelais cela en moi ? Sans doute. Elle me ressemble tellement maman. Toujours à vouloir faire plaisir, ne pas blesser ou vexer qui que ce soit. Mais le monde autour d’elle se souciera t-il de son bien être le moment venu ? Je ne crois pas.

Tu m’as toujours fasciné par la façon que tu avais de rester « Digne et Belle ».
Oh oui, je me souviens de ton goût pour la coquetterie. Je t’ai souvent observé pendant tes mises en beauté matinales ou encore lorsque ton coiffeur venait à la maison te faire tes soins capillaires. Shampoing, défrisage, bigoudis…

D’ailleurs, la première fois que j’ai mis des bigoudis, la veille de mon mariage, je me suis demandée comment tu faisais pour dormir avec si souvent. Les pics portent bien leur non, je t’assure ! Vive l’arrivée des fers à lisser et autres rouleaux sans pics s’il-vous-plaît…

J’aimais ta façon de casser les codes vestimentaires locaux. Chemise, jeans et talons 8 cm un matin, tailleur à rayures bleues et blanches fait par ta couturière un autre.
Oui, j’ai aimé ta classe.

Des années plus tard, je me suis rendue dans la célèbre galerie commerciale où tu achetais ton fond de teint pour m’en procurer un. Tu étais et tu es toujours la plus belle femme à mes yeux.

Parce que le temps passe, et heureusement, me voilà devenue ado.
L’âge difficile mais je dois déjà me séparer de toi à cause de la folie humaine. T’ai-je déjà dit combien je me suis sentie seule durant ces années? Non jamais. Pudeur ou peur de t’attrister davantage? Peut-être un peu des deux qui sait.

J’imagine le sourire gênée sur ton visage à ces mots! Ne le sois pas s’il-te-plaît. Accepte d’être aimée, c’est là un moindre mal.
Je ne manque de rien du point de vue matériel mais tu n’es pas là et tu me manques terriblement. Même tes cris me manquent! J’ai gardé les courriers que tu m’envoyais. Certains me font rire et d’autres pleurer. Mais devines quoi:« je me suis accrochée » parce que c’était vital!

Puis vient l’âge adulte!
Vous avez dit adulte ? Qui a dit que j’en étais une? Oui, je le croyais. Vivre seule, faire ce que l’on veut ne fait pas de nous des adultes. Je reconnais volontiers, un sourire en coin, que ton absence m’arrangeait bien à cette époque! No offense!

Me voilà devenue épouse et maman!
La fraîcheur de la vingtaine coule dans mes veines.
Je ne me suis jamais sentie aussi proche de toi que depuis que j’ai enfilé ces costumes.
Je me souviens de cette grande peur. Serais-je à la hauteur pour cette tâche? Suis-je capable de gérer une VIE? Non, je n’en étais pas convaincu ce soir d’avril pluvieux et ne le suis toujours pas. Je fais seulement de mon mieux chaque jour. Je ne me pose plus la question. Je me demande toujours si mes choix sont judicieux et je prends les décisions qui me paraissent les plus appropriées à ma Foi et mon éducation.

Oui, c’est ça que tu m’as enseigné. Avoir le courage d’avancer, même quand c’est dur ou qu’on doute, parce que la vie est un combat, une couronne qu’il faut remporter.

« A vaincre sans péril, triomphe sans gloire » paraît-il.

Tu as tout de suite compris que je n’aimais pas la dureté de la vie, que j’essaierais de lisser les événements du quotidien. Saches que sentir l’animosité et l’injustice m’agresse toujours autant. Saches que dans ces moments là, la fuite imaginaire de mes jambes ne se fait pas attendre. Elles me plantent! Longues et infidèles, tremblantes et hésitantes. Elles s’en vont faire un tour et me laissent planter là. Je hais ces instants. As-tu vécu ça? Mais devines quoi? Ça aussi je le surmonte. Je me soigne à chaque fois que j’encourage mes enfants dans l’adversité. Tu es mon coach et je suis à mon tour le coach en épanouissement personnel de mes enfants, de mon Autre et parfois de mes amis!

Je suis sûre que tu as entendu le « hourra »de victoire que j’ai poussé intérieurement quand Théodora a envoyé paître les copines de classe qui se moquaient de son afro !
As-tu senti cette brise de fierté qui a soufflé sur moi quand Paul a pris position pour son ami Erwan quand sa meute de copain l’a exclu du match de foot dans la cour de l’école.

Pour sûr, tu as partagé tout ça !

La peur dans tes yeux a la même intensité qu’il s’agisse d’une simple chute ou d’une opération chirurgicale me concernant.

Excessif diront certains, tellement beau pour moi. N’arrêtes surtout pas car vois-tu, je n’ai pas fini d’écrire cette lettre que j’aiderai mes enfants plus tard à continuer et ainsi de suite.

Alors le moment tant espéré de quoi, me direz-vous ?

Nous n’en avons pas terminé alors continuons notre bout de chemin !

Affectueusement tienne,

Sandgidemad, 10 juillet 2017